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En attendant le Festival Camac : J-6 !

Countdown 6

 

Ces deux derniers jours, la musique contemporaine était à l’honneur dans le cadre de notre grand décompte « En attendant le Festival Camac ». Aujourd’hui, nous changeons d’époque pour nous intéresser aux instruments historiques. Nous avons conçu une image de fond d’écran pour votre ordinateur, votre téléphone ou votre tablette, à partir de photographies d’instruments de notre collection de harpes anciennes.

La collection historique de Camac est une collection privée que nous avons constituée pour notre propre plaisir et à laquelle nous dédions spécialement un espace au sein de nos ateliers à Mouzeil. Nous l’exposons parfois pour des occasions particulières, comme ce sera le cas à Nancy. Ce fond d’écran que nous avons conçu pour vous montre quelques instruments dont nous sommes tout particulièrement fiers.

Ces images montrent trois versions de cette magnifique harpe Erard : une aquarelle (étude qui a précédé la fabrication de cette harpe), l’instrument d’origine, et notre Elysée, qui est un hommage moderne au génie de Sébastien Erard.

Erard Japanese detail

Luthier : Erard
France : Paris, 13 Rue du Mail
Fin du XIXe siècle (instrument no. 2398, terminé le 28 avril 1894)

Cette harpe Erard de style japonais (à gauche) est très rare. Nous ne savons pas combien Erard en a construites, mais le seul autre exemplaire dont nous avons eu connaissance est une harpe de la collection privée de Jean-Michel Damase. L’exemplaire présenté ici est conforme au croquis, mise à part l’absence de peintures sur la table d’harmonie qui nous amène à supposer que la table a été changée ou bien qu’il s’agirait d’une commande spéciale, moins riche en décorations. En effet, si les décors « à la chinoise » étaient à la mode sur les meubles et les harpes du XVIIIème siècle (cf. harpes de Cousineau, Naderman et Renault et Chatelain), ce modèle « japonais » semble unique.

Naderman harp

Luthier : Jean François Joseph Naderman (1781-1835),
Maître luthier et Facteur de Harpe ordinaire du service de la Reine Marie-Antoinette.
France : Paris, Rue d’Argenteuil, Butte St Roch.
Harpe restaurée par Camac en 2012.

Notre Naderman verte (à droite) est l’une des dernières harpes fabriquées par ce luthier. Elle possède la plaque en bronze et les fourchettes brevetées par Erard. Quand on pense à la grande concurrence qui existait entre Erard et Naderman, il est intéressant de constater que Naderman avait finalement opté pour ce qui allait devenir le mécanisme standard des harpes à pédales (même s’il n’a jamais fabriqué de harpe double-mouvement).

Cette harpe Naderman a un son incroyable et elle sera jouée à Nancy pour le première fois depuis le XIXe siècle, lors du récital qu’Elinor Bennett donnera sur instruments historiques.

Elinor jouera également sur notre harpe triple galloise. Jakez aime particulièrement cet instrument, et pas seulement parce que cela lui a pris beaucoup de temps avant de le trouver ! La harpe triple est entièrement chromatique mais est aussi, comme le résume Elinor, « considérée comme étant plutôt difficile à jouer ». Les deux rangs de cordes extérieurs sont accordés dans la même tonalité et toutes les notes chromatiques peuvent être jouées grâce à la rangée de cordes du milieu.

La harpe triple (aussi connue sous le nom de Arpa Doppia, ou Arpa a Tre Registri) a donc trois rangées de cordes, et a été inventée en Italie à la fin du XVIIe siècle afin de permettre aux harpistes d’avoir plus de cordes sur leur instrument et ainsi pouvoir jouer les musiques de l’époque, écrites par des compositeurs comme Monteverdi ou Trabaci. L’instrument est devenu populaire dans de nombreuses cours européennes au XVIIIe siècle, y compris en France et en Angleterre. C’est la seule harpe connue de compositeurs baroques comme Haendel (et dont ce dernier s’est servi pour son Concerto pour Harpe, ou ses oratorios).

Les harpistes gallois du XVIIIe siècle ont adopté la harpe triple, alors qu’elle tombait en désuétude ailleurs en Europe, au profit des harpes à simple et à double mouvements de Cousineau, Naderman et Erard. Plus tard, la harpe triple a été ardemment défendue et mise en valeur au pays de Galles par Lady Hall of Llanofer, une riche et influente aristocrate. Elle installa une fabrique de harpes triples sur ses terres du sud du pays de Galles au milieu du XIXe siècle. L’instrument de notre collection a certainement été inspiré par les harpes de Llanofer, la harpe venant sur l’épaule gauche et la main droite jouant les basses, à la façon des anciens harpistes gallois.

Triple Harp

Harpe Triple Galloise, 1896, luthier inconnu. Construction d’origine : la harpe vient sur l’épaule gauche, la main gauche joue la mélodie et la main droite l’accompagnement.

Récemment, la harpe triple a connu un renouveau exceptionnel en tant qu’instrument traditionnel du pays de Galles, mais la plupart des harpistes choisit d’en jouer de manière moderne (avec la main droite jouant la mélodie). D’après les documents historiques, on constate que la harpe triple était jouée principalement par des hommes, mais il y avait aussi d’excellentes femmes harpistes à la fin du XVIIIe siècle-début du XIXe siècle, lorsque la harpe double-mouvement prenait forme entre les mains d’Erard et de ses collègues.

Revenons en France maintenant avec une harpe sans pédale mais avec beaucoup de cordes, 78 pour être précis !

En août 1894, Félix Godefroid et Alphonse Hasselmans demandent à Gustave Lyon, directeur de la firme Pleyel, de reprendre la construction des harpes à pédales à double-mouvement de type Erard interrompue depuis 1855. Cette démarche serait à l’origine de l’invention de la harpe chromatique sans pédale. Cet instrument devait remédier aux inconvénients du modèle précédent en garantissant un accord stable et en supprimant les bruits de pédales, mais le résultat fut décevant. La harpe comporte deux plans de cordes se croisant en leurs milieux, correspondant l’un aux touches blanches, l’autre aux touches noires du piano. Elle permet l’exécution de tous les traits chromatiques avec une grande virtuosité, mais contrairement à la harpe diatonique, elle ne peut produire aucun glissando d’accords…

Suite à une commande de Pleyel, désireux de montrer les possibilités de cet instrument, Claude Debussy composa les célèbres « Danses sacrée et profane pour harpe chromatique et orchestre à cordes ». André Caplet composa une première version de son « Conte fantastique pour harpe chromatique et orchestre » en 1908, intitulée « Légende ». Il adaptera ensuite l’œuvre pour harpe à double mouvement et quatuor à cordes en 1924.

Cross-strung harpUne classe de harpe chromatique a existé au Conservatoire national supérieur de Paris de 1903 à 1908 puis de 1912 à 1933. Une autre classe de harpe chromatique a perduré au Conservatoire Royal de Bruxelles jusqu’en 2005 (ouverte en 1900, fermée en 1953, puis réouverte en 1978). Une association a été créée en 2006 sur l’initiative de Vanessa Gerkens afin d’éviter sa disparition et de favoriser sa renaissance.

Nous avons également récemment fait l’acquisition d’une harpe à cordes croisées construite par Pleyel. Il n’y a pas encore de photo car elle est en cours de restauration, et elle sera présentée pour la première fois à Nancy.

Notes écrites avec l’aide de Laure Barthel et d’Elinor Bennett que je remercie chaleureusement.

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