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“Stellar Sonata” par Caroline Lizotte en première mondiale à Paris le 23 juin 2019

Si le nom du modèle “Big Blue” des Harpes Camac vous est familier, vous connaissez sans nulle doute Caroline Lizotte. En 2015, Camac a eu la chance de réaliser spécialement pour elle, une harpe électroacoustique Big blue chromée, effet miroir.

Caroline a bien sûr déjà exploré et intégré l’amplification et les traitements numériques du son dans son vaste répertoire de compositions pour la harpe, notamment dans les ‘Danses Métales’ opus 47 pour harpe électrique (en cours d’écriture) ; ou pour ‘Stellae Saltantem’ opus 49, un duo pour harpe acoustique et harpe électroacoustique ; et aussi pour l’une de ses oeuvres les plus connues, le ‘Concerto Techno’ opus 40 pour harpe, live techno et orchestre (2003). Mais depuis qu’elle possède sa Big Blue chrome, elle est encore plus désireuse de développer le répertoire pour cet instrument!

En partenariat avec le Conseil des arts et des lettres du Québec, Caroline jouera en première mondiale sa dernière création, “Stellar Sonata” opus 51 pour harpe électroacoustique, à l’Espace Camac Paris, le dimanche 23 juin à 18 heures.

Caroline Lizotte à l'Espace Camac

Un symbole fort puisque l’histoire de cette oeuvre et celle de Caroline sont intrinsèquement liées à Camac. Récit à travers des extraits d’interviews choisis :

La « Harpe Miroir » à la Maison Symphonique de Montréal

“Le jour où j’ai eu une harpe électroacoustique Camac entre les mains, un rêve s’est réalisé : je considère que les harpes électroacoustiques Camac sont les meilleures sur le marché. Leurs instruments offrent un large éventail de possibilités techniques et sonores, une mécanique solide, précise et silencieuse, une intonation et un timbre parfait …

Mais je souhaitais une harpe bien particulière, avec une finition effet miroir unique et Camac a dû réaliser plusieurs tests pour atteindre le bon résultat. D’autres fabricants de harpes auraient refusé ou abandonné! Mais Camac a fait un travail titanesque”, admet Caroline, “Alors dès que j’ai eu l’instrument en main, j’ai promis à Jakez François d’écrire une sonate pour cet instrument d’exception”.

Une autre réalité marque aussi l’origine de cette nouvelle sonate comme le raconte Caroline :

“En 2013, l’Atlantic Harp Duo m’a commandé une oeuvre. Marta Power et Elizabeth Jaxon avaient une idée merveilleuse basée sur la mythologie grecque, sur l’histoire et la vie d’Ariane, les relations entre les dieux et les mortels. Elles m’ont demandé d’illustrer musicalement la dernière partie de leur projet Ariane Racontée (Ariadne Rediviva en version originale), lorsque la vie d’Ariane en tant que mortelle prend fin.

Son époux Bacchus (un dieu immortel), voulant célébrer leur amour, lance dans le firmament la couronne nuptiale d’Ariane qui se transforme en constellation (Corona Borealis – La couronne boréale), immortalisant Ariane dans les cieux. Ce récit m’avait inspiré pour le titre de la pièce en latin, “Stellae Saltantem”, qui signifie en français “les étoiles dansantes”.

Pour écrire cette pièce, j’avais décidé qu’une des harpes représenterait les dieux (électroacoustique) tandis que l’autre représenterait les mortels (acoustique) pour pouvoir faire ressortir l’émotion très vive présente dans Stellae Saltantem. Je pense que cette énergie émotive était fortement reliée au fait que ma propre mère était dans les derniers jours de sa vie au moment de la composition de Stellae Saltantem, et que je désirais moi aussi, lancer une couronne dans le firmament en l’honneur de ma mère! Dès l’écriture des premières mesures, j’étais déjà en train de développer les idées et les thèmes d’une grande sonate … alors j’ai dû m’arrêter et prioriser le projet pour l’Atlantic Harp Duo. Suite à la première de Stellae Saltantem, j’ai demandé à Marta et Elizabeth la permission d’écrire une sonate, comportant l’apparition et le développement de quelques-uns des thèmes et personnages présents dans Stellae Saltantem, c’est pourquoi ma nouvelle sonate s’appelle Stellar Sonata.

J’avoue être souvent inspirée par cette dualité humain, divin, terrestre, céleste. Peut-être est-ce lié à l’histoire de l’instrument pour lequel je compose, la harpe, très liée à la mythologie. Ma nouvelle sonate explore précisément ce lien. 

Comme par exemple dans le premier mouvement, le Minotaure réapparaît, demi-frère d’Ariane, mi-homme mi-taureau … autre dualité que porte ce personnage. La puissance qui émane de ce mouvement est évidente et permet de décrire le combat psychologique du Minotaure.

Pour le second mouvement, j’ai choisi la forme d’un ricercar, ce qui m’a permis d’exposer le sujet décrivant la peine d’Ariane lorsqu’elle est abandonnée par Thésée sur l’île de Naxos, puis développer des réponses et des imitations dans le ricercar. Dans le troisième mouvement au contraire, je raconte la joie d’Ariane lorsqu’elle se marie avec Bacchus et sa béatitude lorsqu’elle passe à l’immortalité sous les traits d’une constellation céleste.

Il me semblait que toutes ces idées méritaient d’être abordées sous une forme nouvelle, or je n’avais encore jamais écrit de sonate pour harpe. J’avais uniquement composé une sonate pour piano intitulée ‘Rock Sonata’ opus 35, lorsque j’avais 17 ou 18 ans. Jusqu’ici j’ai donné à mes oeuvres pour harpe d’autres formes : une suite poétique pour la ‘Suite Galactique’ op. 39, une étude ou pièce de concert pour ‘Odyssée’ op. 37, ou bien une forme chanson-berceuse pour ‘La Madone’. Avec ‘Stellar Sonata’, j’aborde le modèle sonate. Une chose m’a frappée sur sa forme. Lorsque je composais, j’ai compris à quel point sa structure impliquait nécessairement une certaine précision, répondait à des principes de phrasés particuliers, des tonalités, un développement, des récapitulations et une clarté qui lui sont propres.

J’ai tout de même tenu à tisser des liens avec ma sonate pour piano, par exemple sa structure en trois mouvements, certains thèmes qui circulent dans l’oeuvre et même dans le titre principal.

J’ai particulièrement voulu écrire cette sonate pour harpe électroacoustique, car cet instrument me permet de développer ce qu’il serait autrement impossible de faire avec une harpe acoustique classique. J’adore par exemple le pouvoir du son amplifié de l’électroacoustique, la durée de ses notes basses, et la flexibilité avec laquelle on peut traiter le son. Dans le second mouvement de ‘Stellar Sonata’, j’utilise par exemple l’effet de distorsion pour décrire la rage d’Ariane lorsqu’elle est abandonnée, et dans le troisième mouvement je me sers de différents types d’effet delay. Je crée ainsi une impression d’espace, d’image céleste.

Si j’ai écrit cette sonate, c’est aussi pour célébrer la montée en popularité de la harpe électroacoustique depuis quelques décennies. On associe la forme sonate à la musique sérieuse et j’ai pensé qu’il serait très intéressant de créer une sonate pour harpe électroacoustique, qui, je le souhaite, deviendra un “instrument officiel” et aura son propre répertoire gravé dans les siècles futurs.

Si un jour le monde de la harpe organise un concours pour harpe électrique ou électroacoustique, j’espère que Stellar Sonata sera programmée. Je l’ai créée en imaginant un premier mouvement pouvant également être joué sur une harpe acoustique (avec évidemment une amplification pour lui donner plus de puissance). En effet, dans ce mouvement il n’y a pas d’interactions et de manipulations avec des appareils électroniques externes – comme on retrouve aux deuxième et troisième mouvements. Dans ceux-ci, les effets ont une importance énorme puisqu’ils servent la musique, le texte, les images, les thèmes et l’interprétation plutôt que l’inverse. Et puis il y a toujours cet agréable défi, à savoir d’articuler tous ces effets électroniques en temps réel, tout en maîtrisant les notes!

Il est impératif de réévaluer en permanence le traitement sonore de cette sonate, vu la rapidité à laquelle les logiciels et les appareils électroniques changent, alors que sa structure, elle, restera bien fixée. Je vais par exemple utiliser Ableton Live et des pédales d’effets pour jouer Stellar Sonata lors de mes prochains concerts, mais qui sait ce que les harpistes utiliseront dans vingt ans?  Il suffit de penser à mon Concerto Techno. Lors de sa création en 2003, le “techno live act” était joué sur un séquenceur allemand Schaltwerk, alors qu’aujourd’hui on utilise principalement Ableton Live …

Cette question de la tension entre ce qui est éphémère et ce qui durera, tout féru de technologie et de musique se l’est déjà posée. C’est là que le patrimoine musical intervient pour esquisser une réponse. À travers des siècles de savoir-faire, l’art musical est parvenu à perfectionner certaines structures, à donner à chaque genre son lot de chef-d’oeuvres, qu’il s’agisse du classique, du hard rock, du rock and roll ou autres genres.

Dans un monde où le numérique rend toute chose plus facilement accessible – qu’il s’agisse des communications ou de la découverte artistique – peut-être est-il temps d’apprendre à affûter notre sens sélectif. Il est vital que l’expertise et la perfection nées des oeuvres passées ne se perdent pas dans l’émerveillement suscité par les nouvelles technologies.

Alors je souhaite pour Stellar Sonata, que la magie d’Ariane et celle de son fil légendaire puissent toujours l’aider à sortir glorieuse du Labyrinthe! »

Une réponse à ““Stellar Sonata” par Caroline Lizotte en première mondiale à Paris le 23 juin 2019”

  1. SRoel dit :

    Bonjour,
    Merci pour votre programme qui est un plaisir à suivre ! Je me demande, par contre… si le titre Stellae Saltantem n’aurait pas été mal retranscrit ? Il n’a ni queue ni tête en latin.
    Je me réjouis néanmoins d’écouter la pièce.

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