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Prévention et protection sanitaire en période d’épidémie de COVID-19 : nos conseils aux professeurs de harpe.

Lettre d’information aux harpistes et professeurs de harpe.

Lettre d’information aux harpistes et professeurs de harpe.

De la part de Jakez François, président des Harpes Camac.

Le samedi 9 mai 2020

Chers harpistes, chers professeurs,

Le contexte actuel de sortie progressive du confinement amène de nombreux professeurs à envisager la reprise des cours de harpe, que ce soit dans le cadre d’une école ou de cours privés. Dans la grande majorité des cas, la harpe est un instrument partagé sur lequel se succèdent les élèves, et des questions se posent concernant les mesures à prendre pour garantir la santé et la sécurité des élèves et leurs professeurs.

En tant que facteur de harpes, je reçois de nombreuses demandes de conseils à ce sujet, aussi ai-je décidé de rédiger ce document afin de partager avec vous les connaissances que nous avons à ce jour, et les recommandations issues de groupes de travail auxquels je participe activement.

Ni médecin ni scientifique, je fais partie de la « commission des fabricants français » au sein de l’organisation professionnelle CSFI (Chambre Syndicale de la Facture Instrumentale). Nous avons travaillé sur le sujet en s’adjoignant les compétences d’experts scientifiques et médicaux, ainsi que de l’ITEMM (Institut technologique européen des métiers de la musique). Vous pouvez retrouver l’ensemble des résultats et recommandations sur le site de la CSFI.  
Cette démarche regroupant l’ensemble des instruments de musique, bois et cuivres, quatuor à cordes, cordes frappées et pincées, « nouvelle lutherie », il m’a semblé judicieux d’en extraire quelques informations spécifiquement relatives à la harpe.

Lettre d’information aux harpistes et professeurs de harpe.Voici tout d’abord un court résumé des connaissances actuelles, à la date de ce courrier.

– Le virus se transmet par les gouttelettes émises lors de toux ou d’éternuements, par contact direct ou en touchant des surfaces exposées, s’il y a ensuite contact avec le système respiratoire (bouche, nez, yeux).
– La transmission par les aérosols émis lors de la parole, du chant, ou du souffle est encore à confirmer.
– La pratique musicale, tous instruments et accessoires confondus, peut impliquer des
transmissions entre les individus de manières très variables.
– La pratique individuelle, isolé dans une pièce avec un instrument sain, ne présente pas de danger pour soi.

Pour mesurer la quantité de virus, les virologues considèrent la « concentration en agents pathogènes par unité de volume » (pour simplifier, le nombre de virus par millilitre).

Actuellement, il est estimé qu’un taux maximum de 10 millions de virus par millilitre peut être retrouvé dans les gouttelettes émises par une personne malade, ce qui est une estimation haute, mais une contamination par le virus peut survenir dès lors qu’une concentration est de l’ordre d’une dizaine de virus par millilitre. Il faut donc privilégier les procédés qui seront les plus efficaces pour diminuer la quantité de virus, lorsque cela est possible, mais il est très impossible de garantir qu’un procédé soit complet pour assurer une protection absolue. En effet, on ne peut pas envisager de « stériliser » une harpe, encore moins de donner les cours dans un environnement similaire à celui d’un bloc opératoire.
Une mesure qui semblerait de bon sens consisterait à laisser la harpe en « quarantaine » jusqu’au prochain élève, ou jusqu’au lendemain, en estimant que la présence éventuelle de virus aura diminué voire aura disparu. J’ai entendu ici où là différentes informations sur la durée de vie du virus, de quelques heures à quelques jours. Nos conseillers scientifiques estiment que pour un instrument en bois vernis, il n’est pas prouvé qu’une durée de quarantaine de 6 jours serait suffisante : en présence d’humidité la durée de vie du virus peut s’étendre jusqu’à 9 jours.

J’attire d’ailleurs votre attention sur le fait que le risque de contamination ou de propagation du virus dans le cadre des cours de harpe ne se limite pas qu’à l’instrument lui-même. Il est important de ne pas oublier les poignées de portes, les pupitres, les clés d’accord, les poignées des banquettes réglables, les partitions, et tous les accessoires qui pourraient être utilisés pendant le cours et dont il faut proscrire le partage. Les gestes-barrières restent indispensables, à savoir se laver les mains au savon pendant 30 secondes avant et après le cours (professeur et élève), respecter avec l’élève la distance recommandée par le gouvernement, et surtout porter le masque en jouant afin de limiter l’éventuelle contamination de la harpe par la respiration.

Des questions m’ont été posées sur la façon d’enseigner dans ce contexte de distanciation, comment montrer un geste technique ou corriger une position : il s’agit là de sujets d’ordre pédagogique qui dépassent mes compétences de fabricant, et je ne peux que recommander aux professeurs de suivre les instructions qui pourraient être diffusées par leurs écoles ou leurs organisations professionnelles.

Lettre d’information aux harpistes et professeurs de harpe.Je pense utile d’apporter quelques précisions concernant les termes nettoyer et désinfecter, ces deux notions étant différentes et néanmoins complémentaires.
Le nettoyage, appelé aussi « détersion mécanique », consiste à essuyer l’instrument soit avec un chiffon sec, soit à l’eau savonneuse (savon de Marseille ou savon noir). Le but de ce nettoyage est bien de nettoyer le vernis, et non le bois lui-même. Il n’y a pas de risque à utiliser de l’eau en quantité raisonnable, mais il faudra ensuite prendre grand soin d’essuyer la harpe pour la sécher. Sans être encore scientifiquement mesuré, le résultat serait une division par 100 de la présence de virus – sachant que l’objectif serait une réduction par un million. Pour effectuer ce nettoyage et essuyage, il est primordial d’utiliser un chiffon qui sera ensuite jeté dans un récipient hermétique, ou désinfecté selon l’une de ces deux méthodes validées : le laver à 60° minimum pendant 30 minutes, ou l’imbiber d’alcool à 70° minimum puis le laisser sécher. L’utilisation de papier type « sopalin » n’est pas conseillé en raison de son effet abrasif, préférer les chiffons microfibre ou les tissus de type chamoisine.
Attention au fait que le nettoyage ne tue pas le virus, il le déplace sur le chiffon ou dans l’eau savonneuse. Il ne faut donc pas utiliser plusieurs fois le même chiffon sans avoir procédé à son lavage ou à sa désinfection.
Le vinaigre ménager ne présente pas d’intérêt car il n’a pas d’effet nettoyant et n’est pas virucide, son action détartrante liée à son acidité est ici sans objet.

Avant la phase de désinfection, il est utile de nettoyer ou essuyer la harpe et ses cordes, la désinfection n’en sera que plus efficace. En effet, la réduction de la présence du virus par utilisation de produits désinfectants à la norme EN14476 est estimée à un facteur 10.000 (là encore, il s’agit d’une estimation qui n’est pas scientifiquement validée à ce jour). Combinée à l’essuyage préalable, on approcherait une réduction par un million, ce qui nous placerait dans une situation de sécurité beaucoup plus favorable.

Au moment d’évoquer les produits désinfectants, je précise que les conseils qui suivent ne peuvent s’appliquer qu’aux harpes Camac. En effet, je ne peux m’exprimer qu’au sujet des harpes et des cordes pour lesquelles les produits et leurs composants nous sont connus, en particulier les vernis et leurs méthodes d’application.
Après nettoyage et/ou essuyage de l’instrument, et lorsque cela est possible, une phase de désinfection pourra être réalisée à l’aide de produits ayant une action désinfectante. De nombreux produits sont compatibles avec le type de vernis utilisé dans les ateliers Camac.

Contrairement à ce qui a pu être affirmé récemment (à commencer par moi-même, par souci de précaution), les produits contenant de l’alcool sont bien compatibles avec les vernis de nos harpes à pédales, avec ceux de nos harpes celtiques fabriquées après 2000 (équipées de leviers en métal), et avec nos cordes en boyau. Pour une action désinfectante, il est recommandé d’utiliser de l’alcool, éthanol ou alcool isopropylique, à plus de 70°.
A propos des cordes en boyau, ce sont surtout les frottements répétés qui les abimeront lors du nettoyage. L’action virucide ne nécessite pas de frottement, mais une simple mise en contact. Afin de préserver le vernis des cordes, il n’est donc pas utile de les frotter énergiquement. Les cordes en métal et les cordes synthétiques ne posent pas de problèmes de compatibilité, il convient toutefois de bien les essuyer après traitement pour enlever les résidus de désinfectant.

En plus de l’alcool, sont reconnus comme efficaces contre le virus et compatibles avec les vernis des harpes et des cordes en boyau Camac : l’eau oxygénée à 3 %, et l’eau de javel diluée dans l’eau froide, si sa concentration reste supérieure à 0,5 %. La concentration est indiquée sur le flacon. Si au départ elle est par exemple de 2,5 %, il faut la diluer au maximum en 5 parties soit 1 volume d’eau de javel pour 4 volumes d’eau froide, on obtient 0,5 %. Pour ces produits, bien lire les précautions d’emploi et éviter le contact avec la peau (porter des gants), les vêtements, les vapeurs. Plus de renseignements sur le site www.eaudejavel.fr.

Bien qu’elles soient compatibles avec nos vernis et reconnues pour leur efficacité virucide, ces solutions de désinfection n’ont pas ma préférence pour les harpes, à cause de la complexité de leur mise en œuvre en toute sécurité, et de leurs nombreuses précautions d’emploi.

C’est pourquoi, dans nos ateliers ainsi qu’à l’Espace Camac, nous avons fait le choix d’utiliser des produits désinfectants à la norme EN14476 (virucide) comme le Sanytol, et les lingettes désinfectantes « Sani- Cloth ». Sur l’emballage des produits EN14476, penser à vérifier combien de temps est nécessaire à l’action virucide (« temps de contact »). Pour les lingettes que nous utilisons, celui-ci est de 30 secondes, ce qui signifie qu’il faut attendre ce délai avant d’essuyer la harpe pour enlever les traces résiduelles d’agents désinfectants.
De nombreux produits désinfectants, conventionnels ou biologiques, annoncent « éliminer 99,9 % des virus » : c’est habituellement le signe qu’ils agissent selon la norme EN14476. Et s’ils mentionnent la présence de peroxyde d’hydrogène, ce composant n’est autre que l’eau oxygénée, dont j’ai indiqué plus haut qu’elle est compatible avec nos vernis. Vérifiez toutefois que la teneur ne dépasse pas le seuil de 3 %.

A noter que l’acétone et les produits à base de white spirit sont des produits incompatibles avec les vernis des harpes Camac, leur utilisation est absolument prohibée.

Harpes dorées : certaines harpes grand-concert sont ornées de sculptures recouvertes de feuilles d’or, cette dorure étant protégée par une fine couche de vernis de type acrylique. Au-delà des questions de compatibilité de tel ou tel produits avec ce type de vernis spécifique, c’est surtout de l’extrême finesse de cette couche de vernis qu’il faut tenir compte. C’est pourquoi ces parties dorées ne doivent jamais être nettoyées ou désinfectées en frottant avec un chiffon humide ou à l’aide de produits désinfectants.
Pour l’entretien courant des parties dorées de ces harpes, un simple dépoussiérage au chiffon sec est recommandé.
S’agissant de la colonne et de la façade du socle, les parties dorées ne sont pas en contact avec les mains ou le visage quand on jour, il n’est donc pas primordial de les désinfecter.
De plus, ces harpes dorées sont rarement des instruments partagés.

Concernant les harpes celtiques Camac fabriquées avant 2000 (avec leviers en plastique), les produits à base d’alcool ainsi que les produits cités ci-dessus ne sont pas compatibles avec les vernis de ces harpes.

Pour les instruments de ces générations, seuls le nettoyage à l’eau savonneuse et/ou l’essuyage peuvent être conseillés.
Le choix d’essuyer, de nettoyer, ou de désinfecter, dépendra principalement de la disponibilité des produits et du temps nécessaire à y consacrer, en particulier entre deux élèves. Je n’ai pas à donner de conseil à ce niveau, mais en ce qui concerne l’Espace Camac, nous avons mis en place un protocole pour garantir la sécurité des essais de harpes. Ces mesures sont tirées des travaux réalisés en commun avec les autres membres de la CSFI, dont j’ai fait mention au début de ce courrier.
En plus d’appliquer scrupuleusement les mesures-barrières incontournables, nous procéderons selon les points suivants :

– Pour la harpe : mise en place par nos soins de la (ou des) harpe(s) à essayer, essuyage, désinfection avec lingette à la norme EN14476 en respectant le temps de contact de 30 secondes puis nouvel essuyage ;
– Pour le ou la harpiste : lavage des mains avant et après l’essai, port du masque dans le magasin et en particulier pendant le jeu.

De plus, afin de limiter les croisements en cas d’affluence et pour nous permettre d’assurer la sécurité de nos clients et de nos collaborateurs, les essais sur rendez-vous seront privilégiés.

Lettre d’information aux harpistes et professeurs de harpe.Pour conclure, tous les collaborateurs des Harpes Camac, qu’ils soient dans nos ateliers, nos bureaux ou nos espaces de présentation en France comme ailleurs dans le monde, se joignent à moi pour vous souhaiter une sortie de confinement dans les meilleures conditions de santé et de sécurité. Nous avons hâte de vous retrouver lorsque les festivals et les expositions pourront reprendre, ou lors de votre prochaine visite dans nos magasins ou nos ateliers.

En espérant que ces informations vous seront utiles, je vous adresse mes salutations les plus cordiales et je conclus avec la formule consacrée, prenez soin de vous, de vos proches – et de vos élèves.

Jakez FRANÇOIS

Président

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