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Nabila Chajai : liberté et épanouissement en freelance

L’Allemagne, terre de musique, est le pays qui compte le plus grand nombre de postes fixes en orchestre au monde, et sans doute celui qui offre les meilleures conditions de travail aux musiciens. Pourtant, si l’on regarde les statistiques de près, la situation en Allemagne semble légèrement moins rose. Die Zeit Campus a récemment fait un article recensant le nombre de places dans les orchestres en Allemagne, arrivant au chiffre de 9746 postes titulaires, tous instruments confondus.

Cet ensemble génère 120 à 160 postes à pourvoir par an, ainsi qu’un certain nombre de contrats temporaires et des places d’étudiants en académie d’orchestre de l’ordre de 300.

Face à ces quelques centaines d’emplois, 800 musiciens fraîchement diplômés sortent chaque année des conservatoires allemands. Or, il est souvent nécessaire de présenter plusieurs fois une audition pour la réussir. L’Association des Orchestres Allemands estime qu’en moyenne, quatre promotions de jeunes diplômés postulent en même temps. Concrètement, cela signifie que 2400 musiciens formés en Allemagne, aspirent aux mêmes 140 postes, sans compter les candidats étrangers qu’il convient d’ajouter à ces chiffres.

Malgré cette pression, gagner sa vie en étant musicien est – fondamentalement – une merveilleuse aventure. Les musiciens sont, certes, parfois obligés d’accepter pour des raisons financières des missions qui sont loin d’être exceptionnelles. Mais quelle profession est glamour au quotidien ? Les étudiants qui prennent d’assaut les universités du monde entier ne le font pas parce que leurs parents leur ont dit « mais quel bonne idée ! », ils font ce choix parce que la musique est une source de bonheur et d’émerveillement. Fort heureusement pour notre civilisation, il est difficile de convaincre un jeune de 18 ans, une fois qu’il a entraperçu la beauté de ces chemins musicaux, d’en suivre d’autres, moins épanouissants.

Nabila Chajai

Nabila Chajai

Les conservatoires qui préparent le plus efficacement leurs élèves à la généralisation du freelance sont ceux qui ne perdent pas de temps à se lamenter sur le manque de travail. Il est bien plus constructif d’inculquer aux élèves qu’en tant qu’indépendants, ils se doivent d’être performants. C’est à cette condition qu’ils apprécieront pleinement leur vie de musicien.

Nabila Chajai est la preuve vivante qu’il est possible de faire carrière au plus haut niveau – y compris dans des orchestres de premier plan – tout en étant indépendant. Nabila est diplômée de deux des plus grandes écoles françaises : elle a été l’élève d’Isabelle Moretti dans sa classe du CNSMDP, formation qu’elle a complétée par un Master à Lyon avec Fabrice Pierre. Elle a remporté des prix dans des concours de grande renommée, tels que l’ARD à Munich, le concours Martine Géliot, ou le concours Marcel Tournier. Au cours de sa carrière professionnelle, elle a eu l’occasion de jouer pour l’Orchestre du Festival de Lucerne, le Mahler Chamber Orchestra, l’Orchestra Mozart de Claudio Abbado, la Philharmonie de Berlin, l’Orchestre philharmonique de Radio France, l’Orchestre national de France, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise, l’Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI de Turin, l’Orquesta Sinfónica de Bilbao, l’Orchestre royal du Concertgebouw, l’Orchestre symphonique de Birmingham, et l’orchestre de Palau de les Arts Reina Sofía. Ces dernières années, elle a travaillé pour l’un des opéras les plus célèbres : La Fenice de Venise. Pendant la pause estivale de l’orchestre, Nabila joue ce qu’elle appelle ses « cartes postales musicales » dans toute la cité des Doges, ce qui enchante les visiteurs.

Nabila Chajaj: musical postcards

Musical postcards

« Il est essentiel d’avoir à l’esprit que le niveau de compétition est de partout très élevé », explique Nabila qui poursuit : « il ne reflète en rien nos capacités en tant que musicien. Chaque audition ou concours peut nous ouvrir les portes d’une future opportunité. Ce fut par exemple mon cas : à l’issue d’une audition, je n’ai pas décroché le poste que je convoitais mais un membre du jury m’a recommandée auprès de l’Orchestre Mozart à Bologne. Une fois là-bas, Claudio Abbado a apprécié mon travail et m’a invitée à venir jouer à Lucerne et au Mahler Chamber Orchestra. Cela m’a ouvert des portes pour intégrer des ensembles internationaux.

J’adore travailler dans autant d’endroits différents, et être appelée pour jouer des oeuvres difficiles. Dans ce contexte, j’ai pu faire un constat intéressant : j’ai rencontré de nombreux musiciens dont les postes nous font rêver mais qui n’étaient pas heureux dans leur travail, ils s’ennuyaient, cessaient de s’entraîner… se perdaient quelque part en cours de route. A l’inverse, les régions où j’ai rencontré le plus de collègues épanouis professionnellement sont les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, où les conditions de travail sont pourtant les plus difficiles, avec les salaires les plus bas. Peut-être est-ce parce que cette situation leur offre aussi un plus grand choix : le freelance est très développé dans ces pays, certains quittent même leur poste dans des orchestres pour s’y consacrer ! Ces musiciens ont appris à ne plus avoir peur de l’insécurité, parce qu’ils savent que s’ils sont bons et qu’ils disposent d’un bon réseau, alors leur téléphone sonnera. C’est précisément lorsque vous n’êtes pas pieds et poings liés à un seul poste, avec toutes ses contraintes associées, que vous avez enfin le temps de choisir plus – et non pas moins – d’engagements de qualité.

Je suis heureuse de pouvoir partager mon expérience ici, parce que les jeunes musiciens doivent se préparer aux mutations de notre profession. Plus vous serez flexibles et prêts à repérer les avantages qu’offrent des situations nouvelles ou inattendues, mieux ce sera ! Les musiciens qui réussissent suivent depuis toujours ce credo : créer ses propres opportunités. »

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